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Monde arabe

Pierre PICCININ da PRATA (Historien - Politologue)

IRAK (reportage exclusif) – À Mossoul… L’horreur !

IRAK (reportage exclusif) – À Mossoul… L’horreur !

Le Courrier du Maghreb et de l'Orient, Juillet-Août 2017

 

La grande majorité des médias, européens et états-uniens du moins, ont habitué leur public à couvrir avec beaucoup de complaisance les guerres menées par l’Occident au Moyen-Orient ou en Afrique.

Ce fut le cas en Irak, en 1991, puis en 2003 ; il en fut de même en Libye, en 2011 ; au Mali, depuis 2012 ; et il en a été ainsi également de la bataille de Mossoul, en 2016 et 2017.

Très peu de « reporters de guerre » ont osé dénoncer les événements qui se produisaient à Mossoul après qu’eut commencé l’assaut des forces armées irakiennes et des milices chiites sur la ville, appuyées par l’aviation des États membres de la coalition menée par Washington et par les unités spéciales déployées au sol par plusieurs de ces pays.

Très peu d’entre eux, parce que, principalement, la majorité des correspondants et des envoyés spéciaux écrivaient leurs « reportages » ou intervenaient dans les journaux-parlés depuis Erbil, au Kurdistan irakien, sans jamais s’être risqués à se rendre sur le terrain des opérations, à Mossoul même, un des théâtres de guerre parmi les plus dangereux du moment. Ils en ignoraient donc toute la réalité, se contentant de répercuter les « informations » que leur communiquait le service de presse des forces armées engagées contre l’État islamique. Au mieux quelques-uns s’aventurèrent-ils dans les villages libérés de la plaine de Ninive, étonnés d’y découvrir tant de ruines, mais satisfaits de pouvoir se montrer en « terrain de guerre » devant la caméra.

Quant à ceux qui se frayèrent un chemin jusqu’au champ de bataille, ils hésitèrent à décrire ce qu’ils y voyaient pourtant, édulcorant au mieux leurs propos, afin de ne pas paraître trop à contre-courant de la sacro-sainte doxa dominante qui formate le discours de tous les journaleux soucieux de na pas mettre leur carrière en danger. C’est ainsi que fonctionne dorénavant la presse « mainstream » : il faut dire tout comme tout le monde, de peur d’avoir raison tout seul, ce qui ne rapporte que l’ostracisme et la mise au ban du système.

Aussi, rares furent ces « correspondants » et « envoyés spéciaux » qui mirent en garde ceux qui les écoutaient contre les risques pourtant évidents du massacre qui se préparait ; trop occupés à vanter l’efficacité des frappes de la coalition et à chanter la victoire de la communauté internationale et de l’armée irakienne sur l’État islamique, sans se poser les bonnes questions, sans voir ce qui se jouait dans les faits.

Aujourd’hui, cependant, il n’est plus possible de cacher l’horreur et les plumes se délient forcément, toutes ensemble et trop tard ; le mal est fait, et la presse n’a une fois encore pas jouer son rôle qui est d’informer et d’alerter l’opinion publique.

Si le tiers oriental de Mossoul a été plus ou moins épargné, principalement habité par une population kurde et surtout arabe chiite, la majeure partie de la ville a quant à elle disparu, peuplée de familles pour la plupart sunnites, entièrement rasée sous les bombes des avions de la coalition.

J’avais vu les ruines de Syrte, en Libye, détruites par les bombardements de l’OTAN ; j’ai assisté aux bombardements sur Homs et Alep, comme reporter « embedded » avec les brigades rebelles de l’Armée syrienne libre et de Jabhet al-Nosra… Mais je n’avais jamais rien vu de tel que les ruines de Mossoul, où même l’ossature en béton armé des immeubles les plus modernes n’a parfois pas résisté à l’extrême violence des armements mis en œuvre pour venir à bout des combattants de l’État islamique.

Or, face à ce spectacle de destruction totale, la question qui m’est immédiatement venue à l’esprit, c’est : « Mais où sont donc les 250.000 hommes, femmes et enfants qui n’avaient pas évacué Mossoul-ouest ?! »

Et ce, moins parce qu’ils étaient contraints par l’EI de servir de « boucliers humains » (les mythes de la propagande de guerre ont de tous temps la peau dure) que parce qu’ils craignaient les représailles des Chiites de Bagdad (l’armée irakienne est composée de plus de 90% de Chiites), car ces familles sunnites avaient, en 2014, accueilli les djihadistes en libérateur lorsque leurs 800 combattants chassèrent de Mossoul les 65.000 soldats de l’armée (d’occupation) irakienne.

Où sont-ils passés, tous ces gens ?!

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