2 Juillet 2010
Belgique - En route vers la République confédérale belge ? (Le Vif/L'Express, 2 juillet 2010)
Quelle stratégie la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), vainqueur des élections en Flandre, va-t-elle à présent mettre en œuvre pour réaliser son projet séparatiste ?
Quelles manœuvres son chef de file, Bart De Wever, a-t-il décidé d’entreprendre pour atteindre son objectif, qu’il n’a jamais caché, à savoir la fin de la Belgique, d’une certaine Belgique à tout le moins ?
Comment croire, en effet, à l’instar de certains commentateurs du moment, que le président de la N-VA, qui, depuis des années, affiche une volonté séparatiste brutale, se serait subitement mué, en l’espace d’une soirée électorale, en un homme d’Etat responsable, serein et disposé au consensus ? Comment croire que la N-VA, formation nationaliste qui a rassemblé ses partisans autour d’un flamingantisme outrancier, serait finalement prête à négocier avec des partenaires francophones, pour former un gouvernement fédéral efficace et profitable à la Belgique ?
Si c’était le cas, ce serait donc que la N-VA aurait bluffé son électorat (et tout le pays par dessus), ce qu’elle paierait très cher à la prochaine échéance électorale.
Dès lors, s’il faut exclure cette option certainement un peu naïve, quelles seraient les véritables intentions de Bart De Wever ?
Emmener le Royaume vers la sécession et la création de deux Etats distincts, dont une « République flamande » ? Tant que Bruxelles sera Bruxelles, capitale de l’Union européenne et enjeu majeur pour les deux principales communautés du pays, ce scénario est fort peu probable, voire même impossible.
Par contre, quelle habileté de sa part que d’avoir laissé le rôle de formateur du gouvernement (et donc, très vraisemblablement, celui de futur premier ministre) au vainqueur francophone de ces élections, à savoir le Parti socialiste d’Elio Di Rupo (qui semble toutefois hésiter un peu à accepter de tomber dans le piège).
Quant à la N-VA, il est assez prévisible qu’elle se réservera quelques portefeuilles-clefs, à commencer, très logiquement, par celui du ministère de l’Intérieure, dont dépend le règlement de divers conflits communautaires...
La formation du gouvernement n’est donc pas un problème et se fera assez rapidement…
Voilà comment la N-VA, tout en impliquant directement la responsabilité d’un chef du gouvernement francophone, sera en mesure de bloquer le fonctionnement institutionnel du Royaume et de multiplier les crises et les tensions, et ce dans le but de laisser croire à ce que Bart De Wever claironne depuis toujours : la Belgique n’est plus un Etat viable et sa forme actuelle doit disparaître.
Ainsi, à moins que d’autres élections viennent redistribuer les cartes et permettent d’exclure la N-VA du jeu politique (là, évidemment, c’est au nord du pays de savoir ce qu’il veut…), comment envisager une autre perspective, puisque Bruxelles rend la disparition pure et simple de la Belgique compliquée, que celle d’une confédération belge, de deux Etats séparés, avec leurs propres sécurité sociale, justice, politique de l’emploi, etc., mais réunis dans une structure confédérale, dont la défense et, peut-être encore, la politique étrangère resteraient les seules compétences ?
Du côté francophone, déjà, en dépit des questions économiques graves que cela entraînerait pour la Wallonie (inutile de se mentir : le pôle économique belge, c’est la Flandre ; et les transferts du nord vers le sud sont une réalité), certains hommes politiques ne disent pas non… La politique de l’autruche ? L’attrait d’un pouvoir accru, plus probablement.
Et, du côté germanophone, d’aucuns semblent s’en réjouir également, car plus rien n’empêcherait alors un calme retour à l’Allemagne…
Dans cette perspective, un « royaume confédéral » pourrait-il avoir du sens ? Quel rôle aurait encore à jouer la famille royale ? Aucun, tout bien pesé. Mais, comme l’a dit Bart De Wever, « c’est une famille très riche ; il ne faut pas s’inquiéter pour elle ».
Alors, en route pour la République confédérale belge ?
Mais, pour conclure, les vraies questions, sans plus tourner autour du pot : comment la Wallonie financera-t-elle les pensions, les allocations de chômage, les soins de santé ou encore l’enseignement et l’ensemble de sa fonction publique ? D’où viendra l’argent ?
Bref, qui a énormément à perdre, n’a, dans cette affaire, aucune contrepartie à proposer et doit s’attendre à un réveil difficile ?
Et la réponse : pas les Flamands, en tout cas.
Lien(s) utile(s) : Le Vif / L'Express.
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