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Monde arabe

Pierre PICCININ da PRATA (Historien - Politologue)

LIBYE - Mythe et réalité de la «révolution» libyenne

Libye - Mythe et réalité de la « révolution » libyenne (L'Orient-Le Jour, 20 octobre 2011)

 

Syrte 1

   

 

 

 

Photos-illustration-2 3741 - Copie« Une fois tombées Beni Oualid et Syrte, les derniers bastions pro-Kadhafi, le Conseil National de transition (CNT) pourra proclamer la complète libération de la Libye. Pour le moment, les ‘troupes pro-Kadhafi’ résistent encore à Syrte, tandis que la population, prise entre deux feux, essaie de fuir le théâtre des combats. »

 

Voilà ce que l’on peut lire et entendre un peu partout dans nos médias à propos du conflit qui ravage actuellement l’ouest de la Libye.

 

En deux phrases, cinq erreurs sont formulées.

 

A la décharge de ces médias, il faut admettre que le cas libyen fait figure d’exception dans ce « Printemps arabe » et s’est rapidement révélé particulièrement compliqué à analyser, comme j’ai pu m’en rendre compte, et notamment lors de ma mission à Benghazi, il y a quelques semaines, et des jours que j’ai passés, sur la ligne de front, en compagnie des combattants de la rébellion.

 

Et la nécessité de simplifier l’analyse pour ne pas lasser l’auditeur, le lecteur ou le téléspectateur, de plus en plus demandeur d’un fast-food de l’information qui lui permettrait de « s’informer » en quelques minutes de ce qui se passe dans le monde entier, doit certainement donner bien des cheveux blancs aux journalistes en charge de préparer les plats.

 

Cependant, ramener la « révolution » libyenne à un soulèvement de tout un peuple contre le régime dictatorial d’un seul homme confine à l’absurde et à la désinformation. En Libye, ainsi, j’ai rencontré une toute autre réalité que la « réalité », virtuelle, servie par la presse occidentale.

 

Premièrement, depuis des mois, le conflit ne s’est pas limité aux deux seules villes de Beni Oualid et Syrte. La résistance concerne également tout le sud-ouest libyen, tous les oasis, villes et villages du Fezzan. Le conflit est donc bien loin d’être terminé et il se poursuivra, même après la chute de Syrte.

 

Deuxièmement, il ne s’agit plus d’une guerre de « libération », mais bien d'une guerre de conquête : les tribus de Benghazi et de l’est libyen sont en train de conquérir des territoires, ceux des tribus de l’ouest qui, troisièmement, se défendent, plus qu’elles ne soutiennent Kadhafi.

 

Syrte

                                                                                                                                                           Syrte - Source image 

 

Quatrièmement, la résistance n’est pas le fait de « troupes pro-Kadhafi » ou de « mercenaires », mais surtout des hommes et adolescents des tribus de l’ouest, selon le principe de fonctionnement de la société libyenne, société tribale-clanique, où chaque hommes est un guerrier potentiel. La population n’est donc pas « prise entre deux feux », car, cinquièmement, c’est la population, précisément, qui se bat contre les envahisseurs de l’est et l’OTAN qui les appuie. Et, comme on a pu le constater dans les convois qui quittaient la ville de Syrte, par exemple, seuls fuient les femmes, les enfants et quelques vieillards.

 

Une réalité bien différente du mythe forgé par le prisme médiatique occidental…

 

Il est cela dit peu probable que les tribus de l’ouest résistent longtemps encore, même si, pour l’instant, elles tiennent fermement à Syrte, que les bombardements de l’OTAN ont pourtant réduite à l’état de ruines, et dans tout le Fezzan.

 

Face à cette rébellion venue de l’est et soutenue par des puissances étrangères qui ont déployé l’arsenal de l’OTAN, les guerriers des clans de Libye occidentale n’ont effectivement aucune chance de renverser le cours de la guerre et de permettre au gouvernement libyen de reprendre le dessus.

 

Néanmoins, cette résistance farouche, à laquelle bien peu d’analystes s’attendaient et qui met aujourd’hui le CNT et l’OTAN en échec, fût-il momentané, sans ambiguïté aucune, enlève toute légitimité au nouveau gouvernement libyen autoproclamé et révèle le véritable caractère de l’opération atlantique en faisant de l’OTAN un agresseur au grand jour et nullement plus un libérateur.

 

  
Lien(s) utile(s) : L'Orient - Le Jour.

 

 

Le chef de l'Etat libyen, Mouammar Kadhafi, serait décédé (20 octobre 2011) :

 

Kadhafi jeuneL'AFP a annoncé, ce 20 octobre 2011, la mort du colonel Mouammar Kadhafi, sur base d'une photographie prise au moyen d'un téléphone portable et montrant un cadavre, méconnaissable, dont le visage n'est plus qu'une masse de chaire informe (les circonstances de ce décès restent inconnues). Le CNT a déclaré reconnaître sur cette image le corps de Mouammar Kadhafi. Si la mort du dirigeant libyen devait être confirmée, il n'y aurait alors pas de procès, donc aucune révélation embarrassante, ni pour les leaders du CNT, dont plusieurs anciens ministres kadhafistes, ni pour les puissances étrangères, anciennement alliées objectives du régime et actuellement impliquées dans le renversement du gouvernement libyen. La mort de Mouammar Kadhafi ne signifierait cependant pas l'arrêt des combats : les tribus de l'ouest libyen continueront de se défendre face à l'invasion de leurs territoires par la rébellion soutenue par l'OTAN. En outre, Séif al-Islam, le fils aîné de Mouammar Kadhafi, reste à la tête de la résistance. Notons, cela étant, qu'une autre photographie avait circulé, en août 2011, annonçant alors déjà la mort du colonel Kadhafi (photo mort kadhafi - août 2011 photo - source image).

 

kadhafi mort

                                                                                                                                                              Syrte - Source image  

 

Ces vidéos nous sont parvenues après publication de ce qui précède :

 

 

 
 
Elles semblent permettre d'établir que la dépouille charnelle est celle du colonel Mouammar Kadhafi. Les circonstances présentées se passent de commentaire.
 
Il apparaît, à l'examen des versions contradictoires qui se sont succédées (il a été dit, notamment, que le chef de l'État libyen avait été capturé, grièvement blessé lors de l'attaque de son convoi par des avions de l'OTAN, alors qu'il tentait de quitter Syrte assiégée), que Mouammar Kadhafi a été arrêté vivant, physiquement indemne, et qu'il ne fuyait pas la ville. Mouammar Kadhafi a ainsi été éliminé au terme d'un lynchage par les combattants rebelles, disparition bien opportune tant pour les anciens ministres kadhafistes qui composent le leadership du CNT que pour les États membres de l'alliance atlantique qui, sensés se limiter à la protection des populations civiles (en vertu des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de Sécurité de l'ONU), ont en réalité participé au renversement du gouvernement libyen et ont en cela soutenu le coup d'État du CNT. Un procès publique et les révélations dont il eût été l'occasion étaient hors de question pour ces acteurs du conflit libyen. Le Roi de l'Afrique sera donc mort en martyr.
 
Les versions diverses qui ont été produites des circonstances du décès de Mouammar Kadhafi dans les heures qui ont suivi l'annonce de sa mort ont probablement eu pour objectif de cacher l'atroce réalité dont témoigne cette vidéo.
 
Lors de son arrestation, Mouammar Kadhafi était accompagné d'une escorte et de l'un de ses fils, Mouatassim Kadhafi. Ce dernier a également été tué. Selon la version du CNT, pris vivant, il aurait trouvé la mort "en tentant d'échapper à ses gardes"... (Euronews)
 
 
Pierre PICCININ sur "La Voix de l'Amérique" - 21 octobre 2011 
(La mort de Mouammar Kadhafi et la Libye de demain)
 
Lire :
 
  
 
 

 

 

Lire aussi :

 

- LIBYE - Ne jamais vendre la peau de l'ours... 

- LIBYE - Les manipulations de la gouvernance 

- LIBYE - D'une ingérence décomplexée aux dérives néocolonialistes 

- LIBYE - Entretien avec Pierre Piccinin

- LIBYE - L'OTAN aurait-elle oublié l'objet de sa mission en Libye?

- LIBYE - La guerre civile a commencé

 

Et Entretien avec Pierre Piccinin : à propos du "Printemps arabe".

 

 

L'avenir de la Libye, entre chaos et islamisme (RTv - 7 septembre 2011)

 

 

 

libye3[1]

 

 

 

© Cet article peut être librement reproduit, sous condition d'en mentionner la source (http://pierre.piccinin-publications.over-blog.com).

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